Musée de l'ordre de la Libération
Keene Pioneer Heritage Foundation

Jean WEIDNER

Médaillé par décret du 11 Mars 1947
Date de naissance : 22 octobre 1912
Lieu de naissance : Bruxelles

Biographie

Petit-fils d'un pasteur Réformé de Hollande, et fils d'un pasteur Adventiste, John Henri Weidner est né à Bruxelles le 22 octobre 1912. En 1925, il découvre Collonges-sous-Salève (Haute-Savoie) où son père est nommé professeur de grec et de latin au Séminaire adventiste. Après dix ans d'études au Séminaire, il dispose d'un diplôme de commerce et surtout d'une bonne connaissance de la région du Salève. Il est en outre titulaire d'un diplôme de théologie. Dans une interview accordée à la revue Signes des temps en 1987, il explique les origines de sa prise de position contre le nazisme : "Mon héritage hollandais m'a marqué par sa tradition d'accueil pour les réfugiés d'opinion politique ou religieuse. Les huguenots, les juifs, les pères pèlerins anglais ont trouvé accueil et tolérance en Hollande. L'éducation morale et religieuse que j'ai reçue était fondée sur l'amour de Dieu et du prochain. J'ai appris à respecter la personne humaine non seulement passivement, mais aussi activement. J'ai aussi appris à considérer les autorités établies et les lois humaines comme respectables dans la mesure où elles ne s'opposent pas aux lois divines. J'ai appris le courage et la détermination en voyant mon père accepter d'être emprisonné dans une tour du château d'Aigle en Suisse, parce qu'il refusait d'envoyer ses enfants à l'école le samedi pour être fidèle au sabbat biblique. Et lorsque j'étais étudiant en France, j'ai entendu parler de ce qui se passait en Allemagne.  J'ai voulu connaître la pensée nazie. J'ai donc lu Mein Kampf d'Adolf Hitler. J'ai été révolté. L'idéologie de haine, de violence, de revanche, de discrimination à l'égard des Juifs et des Tziganes était à l'opposé du commandement d'amour. Je n'en revenais pas. Comment un pays civilisé comme l'Allemagne - où la Réforme a eu une vaste place et où la Bible a été disponible pour le peuple assez tôt - a-t-il pu en arriver là ?"

Lorsque la guerre éclate, il commence par s'intéresser aux réfugiés allemands qui fuient le régime nazi, et surtout aux réfugiés juifs qui sont les plus menacés. Il offre ses services à la Croix-Rouge, mais sans succès. Il décide ensuite de rejoindre l'Angleterre pour rallier les forces alliées, mais cette tentative se solde par un échec. Il se résigne alors à rester en France. Il quitte un commerce qu'il occupe à Paris et se réfugie à Lyon. Là, en 1941 il organise avec son ami Gilbert Beaujolin un groupe œcuménique "Amitiés chrétiennes" pour secourir les personnes internées dans les camps. Il a l'appui du cardinal Gerlier, du pasteur Boegner, président de la Fédération protestante de France, et le soutien actif du Père Chaillet et du pasteur Roland de Pury.

En 1942, il met sur pied et prend la tête du réseau Dutch-Paris : "En juillet 1942 il y eut des arrestations massives de Juifs en Hollande. Beaucoup fuyaient et trouvaient refuge en "zone libre" avec l'aide de l'ancien consulat hollandais de Lyon. Ils étaient assignés à résidence à Châteauneuf ou même emprisonnés dans des camps d'internement comme à Rivesaltes. Mais lorsque le gouvernement de Vichy a donné son accord pour livrer les Juifs étrangers aux autorités nazies, il a fallu faire quelque chose pour en sauver le plus grand nombre. C'est dans ce but que s'est constitué le réseau Dutch-Paris, avec l'aide clandestine d'environ 300 personnes et le financement du gouvernement hollandais, du Conseil œcuménique des églises et de nombreux particuliers." (Témoignage de John Weidner, 1987). Avec l'aide de centaines de résistants, il fait passer de Hollande vers la Suisse et l'Espagne plus de 800 Juifs et 200 à 300 aviateurs, résistants et réfugiés. Au début, il ouvre un magasin à Lyon, Annecy et Collonges-sous-Salève pour justifier ses nombreuses allées et venues dans le secteur du Genevois. Il passe aussi fréquemment en Suisse pour rencontrer le pasteur Visser't Hooft, responsable du Conseil œcuménique des églises, et porter de nombreux messages. 

Il est poursuivi dans le Salève par une garde allemande et ne doit son salut qu'à son excellente connaissance des lieux. Les risques liés aux passages clandestins vers la Suisse augmentant, une nouvelle voie est ouverte vers l'Espagne, via Toulouse et les Pyrénées. A Cruseilles, il est arrêté et enfermé par des policiers français. Il est sauvé par un juge résistant de Saint-Julien. A Toulouse, il échappe à la milice en sautant par la fenêtre du troisième étage de son lieu de détention. La Gestapo met sa tête à prix pour 5 millions de francs. Sa sœur Gabrielle, agent du réseau, arrêtée à Paris le 26 février 1944, meurt en déportation à Königsberg. 

Après la Libération, John Weidner devient membre du corps diplomatique hollandais à Paris, et assiste le ministre de la Justice dans la recherche des criminels de guerre. Il se charge d'une association de secours aux anciens membres du réseau en difficulté, aux veuves et aux orphelins. 

Par décret du 11 mars 1947, il est décoré de la médaille de la Résistance française. En 1955, il quitte l'Europe pour s'installer en Californie et ouvre un commerce de produits de diététique. En 1978, il est décoré de la médaille des Justes. Lors de l'inauguration du United States Holocaust Memorial Musuem à Washington en 1993, il fut l'une des sept personnes invitées à allumer une bougie en l'honneur des sauveurs.

John Weidner est décédé le 21 mai 1994 aux Etats-Unis. Un hommage lui a été rendu dans l'hebdomadaire américain Time du 6 juin 1994. 
 

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