Musée de l'ordre de la Libération

Paris

Paris, dont la citation porte : "Capitale fidèle à elle-même et à la France", reçoit la croix de la Libération le 24 mars 1945.

Historique

Le 10 juin 1940, le gouvernement de Paul Reynaud quitte Paris pour Tours puis Bordeaux. Le 12, la capitale est déclarée "ville ouverte" et, le 14, les troupes allemandes, dans un silence de mort, défilent en vainqueur sur les Champs-Élysées.

L'appareil d'occupation allemand se met très vite en place et la croix gammée flotte désormais sur tous les bâtiments publics, largement occupés par les troupes et l'administration de l'occupant.

Comme ailleurs, c'est d'abord par des réactions intellectuelles que se manifeste, à Paris, la volonté de résister. Dès le mois d'août paraissent les Conseils à l'occupé de Jean Texcier, premier texte clandestin écrit en réaction à l'occupation et diffusé à partir d'une librairie parisienne. En octobre 1940 paraît le premier numéro d'une feuille clandestine d'information, Pantagruel, rédigée par un imprimeur et éditeur parisien, Raymond Deiss. A la mi-novembre 1940, Christian Pineau entouré de neuf syndicalistes de la CGT et trois de la CFTC publie un manifeste qui rejette les distinctions fondées sur la race, la naissance la religion, les opinions ou l'argent avant, quelques semaines plus tard, de faire paraître le premier numéro du journal Libération dont il assure, par ses propres moyens, la parution hebdomadaire régulière.

La première expression collective de résistance au grand jour est la manifestation lycéenne et étudiante du 11 novembre 1940, place de l'Etoile. Les Allemands tirent sur la foule et une centaine de manifestants sont arrêtés. Bientôt, les premiers avis d'exécution sont affichés sur les murs de la capitale, comme celui de Jacques Bonsergent, fusillé le 28 décembre 1940.

Quelques jours auparavant étaient sortis le premier numéro de Résistance - édité clandestinement par le groupe du Musée de l'Homme avec à sa tête Boris Vildé et Anatole Lewitsky - et les premiers numéros de Valmy. A la même époque naît, sous la direction de Jacques Arthuys, le mouvement OCM (Organisation civile et militaire) et, à l'initiative de Maurice Ripoche, le mouvement Ceux de la Libération (CDLL) qui recrute dans le milieu de l'armée de l'air et commence par faire du renseignement.

Mais, dès le début de l'année 1941, le groupe du Musée de l'Homme est démantelé. La répression s'intensifie, tout comme la détermination de la résistance parisienne. Le 14 juillet, une manifestation patriotique, place de la République, entraîne l'arrestation de 1 500 personnes. Le 21 août, Pierre George, alias Fabien, abat l'aspirant Möser au métro Barbès. Une semaine plus tard, les Allemands fusillent 18 résistants au Mont Valérien, à Suresnes, parmi lesquels le lieutenant de vaisseau d'Estienne d'Orves et ses compagnons Emile Barlier et Jan Doornik.

 

« Capitale fidèle à elle-même et à la France, a manifesté, sous l'occupation et l'oppression ennemies, et en dépit des voix d'abandon et de trahison, sa résolution inébranlable de combattre et de vaincre. Par son courage en présence de l'envahisseur et par l'énergie indomptable avec laquelle elle supporta les plus cruelles épreuves, a mérité de rester l'exemple pour la Nation tout entière. Le 19 août, conjuguant ses efforts avec ceux des armées alliées et françaises, s'est dressée pour chasser l'ennemi par une série de glorieux combats commencés au coeur de la Cité et rapidement étendus en tous les points de la ville. Malgré de lourdes pertes subies par les Forces Françaises de l'Intérieur levées dans son sein, s'est libérée par son propre effort puis, unie à l'avant-garde de l'Armée française venue à son secours, a, le 25 août, réduit l'Allemand dans ses derniers retranchements et l'a fait capituler. » (Paris, Compagnon de la Libération par décret du 24 mars 1945)

Les Allemands rue de Rivoli.
©Musée de l’ordre de la Libération

En décembre 1941, le couvre-feu dans la capitale est fixé à six heures du soir, les prisons se remplissent d'otages et de patriotes ; le 15, Gabriel Péri est fusillé.

En 1942, les conditions de vie des Parisiens se détériorent. En mars, les bombardements de la Royal Air Force sur les usines Renault de Boulogne-Billancourt font 350 tués et 500 blessés. Le 27 mars, le premier convoi de déportés juifs raflés à Paris et en région parisienne part de Compiègne pour Auschwitz.

Les attentats, suivis d'exécutions d'otages, se multiplient. Les « 5 du Lycée Buffon », membres du mouvement des Francs-Tireurs et Partisans Français (FTPF) et responsables de deux attentats contre des officiers allemands, sont arrêtés par la police française en juin 1942. Livrés à l'occupant, ils sont condamnés à mort et exécutés un an plus tard.

Les 16 et 17 juillet 1942, la persécution antisémite atteint son comble avec la rafle du Vel' d'Hiv' - exécutée par la police française : près de 13 000 Juifs étrangers - dont plus de 4 000 enfants - sont arrêtés chez eux, parqués au Vélodrome d'Hiver avant d'être déportés vers les camps d'extermination de Pologne.

Durant l'année 1943, l'organisation de la résistance parisienne progresse grâce, notamment, aux missions d'envoyés de la France Libre - comme Pierre Brossolette et le colonel Passy - venus de Londres pour établir des contacts plus rapprochés entre résistance intérieure et extérieure.

C'est également à Paris, rue du Four, que, le 27 mai 1943, le Conseil National de la Résistance (CNR) se réunit pour la première fois, sous la présidence de Jean Moulin. Formé des représentants des plus importants mouvements de résistance des deux zones et de représentants politiques et syndicaux, le Conseil démontre les progrès d'union et de cohésion de plus en plus réels de la Résistance française.

Alors que les bombardements alliés se poursuivent tout au long de l'année 1943, la population entrevoit peu à peu sa libération. Les actions violentes contre l'occupant se succèdent : en avril, un groupe attaque à la grenade un peloton ennemi ; en mai, à l'Odéon, un hôtel occupé par des Allemands est attaqué ; en juin, un colonel de la Wehrmacht est abattu boulevard des Italiens ; en juillet, un groupe de S.S. est grenadé sur les Champs-Elysées ; en septembre, le S.S. Julius Ritter, chargé d'expédier en Allemagne 500 000 Français au titre du Service du Travail obligatoire (STO), est exécuté au coin de la rue Pétrarque.

Le début de l'année 1944 est marqué par une intensification des bombardements sur la capitale. La répression se poursuit et, en février, les FTP-MOI du « Groupe Manouchian » sont exécutés. Le 22 mars, Pierre Brossolette se suicide au siège de la Gestapo avenue Foch.

Mais bientôt les Forces Françaises de l'Intérieur d'Ile-de-France, qui réunissent les forces armées des différents mouvements, sont créées et confiées au commandement du colonel Rol-Tanguy.

L'été venu, les conditions de vie s'aggravent : disette, mortalité infantile, coupures quasi générales de gaz et d'électricité et chômage en forte augmentation sont le lot des Parisiens.

L'avance des Alliés en Normandie donne bientôt le signal de l'insurrection et, le 10 août, des grèves éclatent dans les administrations parisiennes (d'abord les cheminots, puis la Gendarmerie le 13 et la Police le 15). Le 18 août au matin commencent la grève générale et les premières occupations d'usines alors que les premiers prisonniers de la prison de la Santé sont libérés. Le même jour, le colonel Rol-Tanguy, chef des FFI d'Ile-de-France, en accord avec le Comité parisien de la Libération (CPL), fait afficher l'ordre de mobilisation générale des Parisiens. Dès le lendemain, les barricades commencent à fleurir dans tous les arrondissements.

Le même jour, la Préfecture de Police est prise et les escarmouches entre forces françaises et allemandes se multiplient en banlieue et dans plusieurs arrondissements, qui sont conquis par les insurgés. Les services de police allemands plient bagage les uns après les autres, sans oublier d'exécuter, à la hâte, une dernière fois, prisonniers et résistants. Sans oublier non plus d'affréter quelques derniers trains de déportés vers les camps.

Le 20 août, l'Etat-major FFI est installé dans son poste de commandement souterrain de la place Denfert-Rochereau, sous le Lion de Belfort. De leur côté, la plupart des secrétaires généraux désignés par Alexandre Parodi, délégué général du Gouvernement provisoire de la République française, prennent possession de leurs ministères.

Au même moment, le général Leclerc est près d'Argentan, alors que le général de Gaulle, rentré du Canada l'avant-veille, rencontre au Mans le général Eisenhower et le convainc de laisser la 2e Division blindée marcher sur Paris.

Le 21 août, les journaux, hier clandestins, sont mis en vente au grand jour, pendant que les Allemands renforcent leurs positions, tenant fermement les Tuileries, Rivoli, les quais, l'Ecole Militaire, la caserne du Prince Eugène à la République et le Luxembourg. En revanche, le coeur de Paris, la Cité et l'Hôtel de Ville sont aux mains des forces françaises. Le lendemain, 22 août, le général Bradley donne à Leclerc l'ordre de diriger sa Division sur la capitale, où plane la menace terrible de l'anéantissement de la ville qu'a ordonné Hitler au commandant militaire allemand, le général von Choltitz. Celui-ci, convaincu par le Consul de Suède Raoul Nordling d'épargner Paris, négocie avec lui une courte trêve refusée par les combattants de la Résistance.

Dans la capitale, chacun sait maintenant que la 2e DB et les Alliés sont aux portes de la ville. « Tenez bon. Nous arrivons », est le message que Leclerc adresse aux FFI qui tiennent la Préfecture de Police le 24 août. Vers 19 heures, Leclerc est à la Croix-de-Berny et désigne la compagnie de chars du capitaine Dronne pour partir en avant-garde vers Paris. Il est exactement 21 heures 22 au cadran de la grande horloge quand la colonne s'arrête place de l'Hôtel de Ville, où se trouvent réunis les Etats-majors du Conseil national de la Résistance et du Comité parisien de Libération. Dronne est accueilli par Georges Bidault, Joseph Laniel, Georges Marrane, Daniel Meyer et bien d'autres encore. Minute infiniment émouvante que cette rencontre des combattants de la France Libre et des résistants parisiens. Les cloches des églises peuvent alors sonner à toute volée pour annoncer l'entrée des alliés dans la ville.

Le lendemain, le général Leclerc, accompagné du Délégué militaire national, Jacques Chaban-Delmas, fait son entrée dans la capitale où bientôt un détachement de la 2e DB prend d'assaut l'Hôtel Meurice, siège du commandement militaire allemand. Von Choltitz se rend et, conduit à la Préfecture de Police, signe, avec Leclerc et Rol-Tanguy, la convention de reddition des troupes allemandes. Dans l'après-midi, de Gaulle, accompagné d'un modeste cortège, entre à son tour dans Paris, au milieu d'une foule déchaînée d'enthousiasme, et se rend au P.C. de Leclerc à Montparnasse où il prend connaissance de l'acte de capitulation.

 

La descente des Champs-Elysées le 26 août 1944.
©Musée de l’ordre de la Libération

En cette soirée du 25 août, après avoir retrouvé les bureaux du Ministère de la Guerre, rue Saint-Dominique, choisis comme siège de la Présidence du Gouvernement, et avoir inspecté la police parisienne, le général de Gaulle se rend, sous des acclamations indescriptibles, à l'Hôtel de Ville, où l'attendent le Comité parisien de la Libération et le Conseil national de la Résistance. Là, il rend hommage, dans une allocution empreinte d'une grande émotion, à la capitale de la France :

« Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré, libéré par lui-même, libéré par son peuple, avec le concours des armées de la France, avec l'appui et le concours de la France tout entière, de la France qui se bat, de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle. »

Alors qu'au même moment les derniers points tenus par l'ennemi tombent, la bataille de Paris est terminée. Les forces parisiennes déplorent plus de 1 500 tués (dont 582 civils) et 3 500 blessés mais 3 200 Allemands ont été tués et 12 800 se sont rendus aux forces françaises de l'intérieur et aux soldats de la 2e DB. Le monde libre peut célébrer cette libération, annonciatrice de l'écroulement, désormais inéluctable, de l'Allemagne nazie.

Le lendemain, 26 août, le chef du Gouvernement provisoire, entouré des membres du CNR, du CPL, des généraux Juin, Koenig, Valin et Leclerc, de l'amiral Thierry d'Argenlieu, de Jacques Chaban-Delmas et des préfets Flouret et Luizet, descend les Champs-Élysées dans une incroyable ferveur populaire.

Place de la concorde, le Général monte dans une voiture jusqu'à l'Hôtel de Ville, puis parvient sur le parvis de Notre-Dame, où éclate une fusillade, créant une panique générale sur la place. A l'entrée dans la cathédrale, de nouveaux coups de feu éclatent, cette fois-ci à l'intérieur, qui font se coucher l'assistance, pendant que le général de Gaulle prend tranquillement place dans la croix du transept, avant que s'élève le Magnificat. Abrégeant la cérémonie, celui-ci regagne ensuite le siège de la Présidence du Gouvernement, rue Saint-Dominique.

 

Remise de la croix de la Libération à la ville de Paris le 2 avril 1945.
©Musée de l’ordre de la Libération

Le 24 mars 1945, Paris est fait Compagnon de la Libération.

« A la Libération de Paris, en vérité, rien n'a manqué de ce qu'il fallait qu'elle fut pour être digne de la France » déclare le général de Gaulle, le 2 avril 1945, en remettant à la ville de Paris la Croix de la Libération.

  • Compagnon de la Libération - décret du 24 mars 1945

Croix de Guerre 14-18 avec palme

 

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