Musée de l'ordre de la Libération

Vassieux en Vercors

Le village de Vassieux-en-Vercors reçoit la croix de la Libération le 4 août 1945. 72 de ses habitants ont été massacrés et la totalité de ses maisons brûlées, par un ennemi sans pitié.

© Musée de l'Ordre de la Libération

Véritable forteresse naturelle, le Vercors, qui culmine à 2 341 mètres, est un massif calcaire des Préalpes, à cheval sur les départements de l'Isère et de la Drôme. Situé en zone non occupée, il sert de refuge dès 1940 à de nombreux Français et étrangers pourchassés ou exilés.

Au début de l'année 1941, l'architecte Pierre Dalloz et son ami l'écrivain Jean Prévost, alors qu'ils se trouvent aux Côtes de Sassenage, au pied du massif, imaginent de transformer le Vercors en « Cheval de Troie pour commandos aéroportés ». Ce plan stratégique consiste à utiliser le massif comme base d'accueil d'éléments aéroportés alliés qui, agissant sur Grenoble et Valence, couperaient la retraite allemande au moment de la libération du territoire.

C'est en décembre 1942, après l'invasion de la zone sud, que Dalloz couche sur le papier l'idée qu'il avait eue en mars 41 avec Jean Prévost. Quelques jours plus tard, il propose son plan à Yves Farge, journaliste au Progrès de Lyon et interlocuteur de Jean Moulin. Ce dernier, ainsi que le chef de l'Armée secrète, le général Delestraint, l'accepte. Ce plan, entériné par les services français de Londres, est baptisé plan « Montagnards » et Jean Moulin charge Yves Farge de mettre au point un plan d'organisation militaire du Vercors. Le 27 février, un message codé (« Les Montagnards doivent continuer à gravir les cimes ») diffusé par la BBC, donne le feu vert.

Parallèlement, au cours de l'hiver 1942-1943, les premiers résistants, issus du mouvement Franc-Tireur, s'installent dans le massif du Vercors et le premier maquis voit le jour à la ferme d'Ambel. L'instauration du Service du travail obligatoire (STO) par le gouvernement Laval en février 1943 conduit naturellement une partie des jeunes gens qui refusent d'aller travailler en Allemagne - les réfractaires - à se cacher de la police dans des zones inaccessibles : les maquis. Comme d'autres, le maquis du Vercors se développe ainsi, grâce à cette législation inacceptable pour de nombreux jeunes qui se voient peu à peu pris en charge et encadrés par la résistance locale, essentiellement des responsables de Franc-Tireur, des officiers de bataillons de chasseurs alpins de l'armée d'armistice dissoute et d'anciens élèves de l'Ecole des cadres d'Uriage.

Début 1943, Vassieux-en-Vercors est choisi comme futur terrain d'atterrissage du plan « Montagnards ». En mai 1943, après l'arrestation d'Aimé Pupin, premier chef civil du Vercors, Eugène Chavant est choisi par ses camarades pour le remplacer alors que le commandant Alain Le Ray devient le chef militaire du Vercors. En novembre 1943, le Vercors accueille son premier grand parachutage d'armes et de matériel.

Les premières attaques allemandes contre le Vercors ont lieu le 22 janvier 1944 aux Grands Goulets, puis, le 29, à Malleval (Isère). Bientôt connu comme l'un des principaux centres de résistance du maquis, le village de Vassieux, situé sur le plateau du Vercors, à 1 000 mètres d'altitude, est l'objet, du 16 au 24 avril 1944, d'une opération de répression menée par la Milice française sous le commandement de Raoul Dagostini. Plusieurs fermes sont pillées et incendiées, des habitants torturés et déportés et trois d'entre eux fusillés.

De son côté, Yves Farge, nommé commissaire de la République pour la région Rhône-Alpes, aidé par le délégué militaire régional Paul Leistenschneider (alias Carré) donne tout son appui au Vercors qui est devenu un symbole de la Résistance française. Dans le cadre de la mobilisation générale des maquis à l'annonce du débarquement de Normandie le 6 juin 1944, le Vercors applique le plan « Montagnards » et voit converger vers lui des centaines de volontaires, impatients d'agir. Ils sont placés sous le commandement du lieutenant-colonel Huet, nouveau chef militaire du Vercors.

Les 13 et 15 juin, les Allemands occupent Saint-Nizier du Moucherotte, accès le plus aisé vers le massif du Vercors, avant de se replier sur Grenoble. De leur côté, les maquisards attendent l'exécution de la suite du plan « Montagnards » et demandent l'envoi de troupes aéroportées. Le 25 juin, les Alliés procèdent à un parachutage massif d'armes sur le plateau. A plusieurs reprises, la population de Vassieux apporte son aide aux opérations de récupération du matériel, de jour comme de nuit.

Alors que le 3 juillet, la République Libre du Vercors est proclamée officiellement, la mission « Paquebot », chargée de préparer un terrain d'atterrissage à Vassieux, est envoyée sur place par les autorités d'Alger. Mais à la suite de mésententes et d'erreurs aux conséquences dramatiques, le plan « Montagnards » ne sera jamais appliqué ; il va même tragiquement s'inverser, les maquisards, assaillants potentiels, devenant des assiégés pris au piège.

Le 14 juillet, après le lancer de plus d'un millier de containers par les Alliés, l'aviation allemande bombarde en représailles le village de Vassieux dont la moitié est détruite et le reste en flammes. 25 Vassivains sont tués et les bombardements systématiques se poursuivent jusqu'au 21 juillet pendant que des divisions de montagne allemandes bloquent tous les accès au plateau.

Le 21 juillet 1944, les troupes ennemies passent à l'offensive et se dirigent vers le plateau. Simultanément, 210 parachutistes d'élite, à bord de 21 planeurs, atterrissent par surprise à Vassieux et près de ses hameaux. Le village est investi et, pendant trois jours, les combats font rage.

Le 23 juillet, un deuxième train de planeurs amène en renfort 200 hommes, Avec un raffinement de cruauté, les Allemands torturent les habitants qui n'ont pu s'enfuir et les FFI qu'ils arrêtent. 73 habitants et 120 combattants FFI sont ainsi massacrés à l'intérieur ou aux alentours de Vassieux dont il ne reste que des décombres. Pendant trois semaines encore, les derniers survivants sont traqués impitoyablement par les Allemands qui occupent les ruines du village, détruit à 97%. Au total, les combats du Vercors, auront fait 840 victimes françaises et environ 150 tués parmi les troupes allemandes.

Le 5 août 1945, lors de la première commémoration des combats du Vercors, devant la foule des résistants et de la population survivante, Georges Bidault, président du Conseil national de la Résistance (CNR), accompagné du général Doyen et d'Yves Farge, remet la croix de la Libération à la commune de Vassieux-en-Vercors.

Par ailleurs, un combattant du Vercors, le sergent FFI Raymond Anne, tué à Vassieux le 21 juillet 1944, a été inhumé dans la crypte du mémorial de la France combattante au Mont Valérien à Suresnes avec 15 autres hommes et femmes morts pour la France au cours de la Seconde Guerre mondiale.

« Village du Vercors qui, grâce au patriotisme de ses habitants, s'est totalement sacrifié pour la cause de la résistance française en 1944. Principal centre de parachutage pour l'aviation alliée sur le plateau, a toujours aidé de tous ses moyens les militaires du Maquis dans les opérations de ramassage d'armes. Très violemment bombardé le 14 juillet, attaqué par 24 planeurs allemands les 21 et 22 juillet, a eu 72 de ses habitants massacrés et la totalité de ses maisons brûlées par un ennemi sans pitié. Martyr de sa foi en la résurrection de la Patrie. » (Vassieux-en-Vercors, Compagnon de la Libération par décret du 4 août 1945)

Parachutage sur le Vercors
©Musée de l’ordre de la Libération
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