
Pierre RADERMECKER
Biographie
Né le 1er juin 1912 à Baelen-sur-Vesdre (Belgique), Pierre Radermecker sert dans l’armée belge de juillet 1932 à août 1933 au sein du 1er régiment de lanciers à Spa. Puis, ne trouvant pas de travail, il souscrit un engagement de trois ans aux unités cyclistes frontières le 15 mars 1934. Le 15 mars 1937, il est muté à sa demande à l’école du 1er régiment de lanciers. Nommé maréchal des logis le 26 mars 1938, il passe alors au 2e escadron du 1er régiment de lanciers comme sous-officier instructeur.
Durant la campagne de Belgique, il se distingue au combat et est cité en 1947 pour ses faits de guerre. L’attribution de la croix de guerre 1940 avec lion de vermeil accompagne cette citation. Fait prisonnier par les Allemands à Staden le 28 mai 1940, il est libéré du stalag IIc de Greifswald (Allemagne) le 30 janvier 1941 en tant que ressortissant des territoires annexés par le Reich, la "zone Eupen" et rentre en Belgique le 10 février. Baelen se situant dans la zone annexée par l’Allemagne, il quitte rapidement le secteur pour ne pas être enrôlé dans la Wehrmacht et rejoint sa sœur à Grivegnée, près de Liège, le 10 février 1941. Le 16 août 1941, il entre au service communal du Ravitaillement en qualité d’employé temporaire. Cet emploi lui sert de lieu de repérage et d’observation pour un réseau dirigé par un certain monsieur Dewez. Dans un courrier du 26 mars 1946, le bourgmestre de Grivegnée souligne : « Durant son séjour au service du Ravitaillement, l’intéressé s’étant comporté comme une personne aux abois, nous avons voulu connaître les raisons de son départ brusqué, mais sans résultat, car il avait également quitté son domicile » .
En effet, fin septembre 1941, Pierre Radermecker quitte précipitamment la Belgique pour gagner la France sous la fausse identité d’un militaire belge engagé dans la Légion étrangère et décédé le 26 juillet 1940 à Ouargla (Algérie) : René Dereyck, né le 2 août 1911 à Seraing-sur-Meuse. Lors de l’enquête menée en mars 1946, l’administration communale reconnaît ignorer le motif de ce départ furtif . Mais selon les déclarations de son père, Hubert Radermecker, en 1947, il serait parti de Grivegnée suite à une rafle effectuée par les Allemands parmi le personnel de la maison communale où il travaillait.
Avant son départ de Belgique, le 25 septembre 1941, Pierre Radermecker adresse à ses parents une lettre d’adieu : « C’est le cœur bien gros que je vous écris ces quelques mots qui sont peut-être les derniers que vous recevrez de votre fils. Je suis oppressé, car je me rends compte de l’immense peine que je vous occasionne, et pourtant, mes chers parents, c’est devant l’inévitable que je me décide, préférant le risque d’une fuite plutôt que de me laisser arrêter par la police allemande. Depuis mardi matin, j’ai les policiers allemands à mes trousses et c’est grâce au dévouement de quelques camarades que je parviens à leur échapper et, si Dieu le permet, à arriver hors de leur atteinte. (…) Sachez toutefois, mes chers parents, que votre fils ne part pas découragé. Non, au contraire : quoique la peine de vous quitter soit grande, mon moral est excellent et c’est avec fierté que je continuerai la lutte contre l’agresseur, contre l’Allemand maudit qui nous fait tant souffrir. ». Il semble que son intention première était de s’engager dans les forces belges stationnées en Angleterre mais qu’il renonça face aux difficultés rencontrées.
En mai 1951, Thomas Carnaby qui fut le premier hébergeur de Radermecker à son arrivée à Albert, dans le département de la Somme, évoque également les raisons de ce départ vers la France : « Domicilié dans la région d’Eupen-Malmédy, il était sous contrôle allemand mais il était en possession d’une carte d’identité lui permettant de séjourner chez sa sœur, infirmière à Liège. A cet effet, il profitait de franchir cette frontière librement et ceci en aidant une chaîne de prisonniers détenus par les Allemands. Un jour surpris, il dut aller trouver son oncle, bourgmestre à Memback, qui lui fournit une pièce d’état-civil au nom de Dereyck René, qui pourrait lui servir. Par la suite, et ce au bout de 3 ou 4 semaines, personnellement et rien qu’à moi, il m’a dit "Je ne suis pas Dereyck René, je m’appelle Radermecker Pierre. Si je me suis présenté sous un faux nom, c’est parce que je suis recherché par la Gestapo" ». Ceci est également confirmé par Rose Duquenne qui l’a logé durant trois mois à Albert et qui déclare aux gendarmes le 15 mai 1951 : « Le nom que vous me désignez n’est pas le sien car il m’a affirmé qu’il s’appelait Pierre Radermecker, évadé de Belgique et qu’il se cachait pour ne pas être pris par les Allemands » .
Il séjourne à Albert durant quelques mois et se fait embaucher dans un chantier de la firme allemande Otto Scherder. Quittant Albert, il gagne Brest où il est embauché en septembre 1942 en qualité d’interprète au chantier naval de la Kriegsmarine. L’enquête menée par les services de sureté belges « ne permet pas de faire jaillir une lumière complète sur les circonstances dans lesquelles il travailla en France dans des services ennemis. Il est cependant vraisemblable – ne fut-ce qu’en raison de la date – que le défunt s’est fait embaucher volontairement ». Suivant la déclaration de monsieur Chouraqui-Butteau rapportée dans le rapport du 25 janvier 1952 du ministère français des Affaires étrangères, « Radermercker aurait travaillé pour l’ennemi à Albert puis à Brest, afin de se livrer à l’espionnage et au sabotage » , ce que conclut également l’enquête menée en France au profit du ministère des affaires étrangères belge. Ainsi dans un courrier du 1er février 1952, l’ambassadeur de Belgique en France écrit : « L’intéressé se serait mis au service des Allemands, sous le nom de Dereyck, que pour pouvoir plus aisément se livrer à l’espionnage et accomplir des missions de sabotage » .
Radermecker profite d’un séjour à Paris en novembre 1942 pour ne pas retourner à Brest. Il rencontre alors un nommé « Albert » qui lui fait part de ses sentiments antiallemands et lui fait comprendre qu’il peut s’engager dans la lutte contre l’occupant allemand. Il parvient à le convaincre de rejoindre les Francs-tireurs et partisans (FTP).
En décembre 1942, Pierre Radermecker rencontre pour la première fois son chef, « Sacha ». Au sein des FTP, Pierre Radermecker devient « Armand » avec le matricule 2015. Sur ordre de « Sacha », il détruit deux panneaux indicateurs allemands sur le quai de la Râpée, à Paris, en décembre 1942. Le 11 janvier 1943, il lance une bouteille incendiaire à l’intérieur de l’hôtel Radio, 2 rue Coustou dans le XVIIIe arrondissement. La bouteille provoque un début d’incendie qui est immédiatement éteint par le gérant de l’établissement. Radermecker ayant fait ses preuves avec cet attentat, « Sacha » l’affecte alors à un détachement FTP composé de deux groupes. Selon le rapport des inspecteurs des Brigades spéciales du 5 mars 1943, « sous le pseudonyme de "Armand", Dereyck assurait la direction d’un des deux détachements de la région P2 ».
Depuis janvier 1943, Radermecker est régulièrement hébergé par Roland Chouraqui, commerçant à Asnières. Lors de son audition en 1952, ce dernier déclare : « J’ignorais l’existence de Radermecker lorsque dans le courant de janvier 1943 j’ai eu sa visite à mon domicile. Il m’a dit être pour ainsi dire envoyé par sa sœur laquelle connaissait ma femme. (…) Radermecker nous a demandé de bien vouloir l’aider car il était traqué. (…) Bien que Radermecker ne nous ait jamais donné de précisions sur son activité, j’ai pu au cours de conversations apprendre suffisamment de choses pour que je sois persuadé qu’il luttait réellement contre les Allemands. D’après ses dires, il aurait, en Belgique, facilité le passage de prisonniers évadés. J’ai pu vérifier au cours d’un voyage que cela était, en effet, facile. Le village où il habitait, Baelen, est frontalier ; un côté de la rue est belge alors que l’autre se trouve en Allemagne. Ayant été recherché pour ces faits, il a gagné la France et chercha le plus sûr moyen d’éviter les poursuites. C’est alors qu’il gagna Brest et qu’il s’engagea comme interprète sous la fausse identité de Dereyck. »
Le 18 février 1943, Radermecker reçoit l’ordre d’organiser simultanément deux attentats contre des maisons closes fréquentées par des Allemands, rue de la Lune et rue Blondel. Il dirige personnellement celui de la rue Blondel le 21 février 1943 aux côtés de Paul Meubry. Selon le rapport des RG, l’engin (une grenade à main) dépourvu d’amorce n’a pas explosé.
Arrêté le 27 février 1943, incarcéré à la prison de Fresnes, Pierre Radermecker est condamné à mort par le tribunal militaire allemand du Gross-Paris le 4 juin 1943. Il est fusillé au Mont-Valérien le 15 juin 1943 en même temps que Robert Martin, Maurice Fridlander et Paul Meubry. Quelques heures avant son exécution, il écrit une dernière lettre à ses parents et à sa sœur depuis la prison de Fresnes. Inhumé au cimetière d’Ivry-sur-Seine dans une concession temporaire, son corps fut exhumé le 24 septembre 1946 puis ramené à Baelen le 29 septembre.
Ses services dans la Résistance ont été homologués par l’autorité militaire pour la période du 1er juillet 1940 au 15 juin 1943 en qualité d’isolé. Le 10 novembre 1950, Pierre Radermecker est cité à titre posthume à l’ordre du corps d’Armée avec attribution de la croix de guerre avec étoile de vermeil. Le grade d’assimilation de sergent lui a été accordé par arrêté du 21 mai 1951. Dans son pays natal, le statut de prisonnier politique lui est attribué à titre posthume le 5 décembre 1952. Le titre de combattant volontaire de la Résistance lui est décerné par l’ONaCVG à titre posthume en date du 18 juin 2024.
La médaille de la Résistance française lui est décernée à titre posthume par décret du 8 juillet 2025.