Musée de l'ordre de la Libération

Le « groupe Manouchian » et la médaille de la Résistance française

Publié le Lundi 19 Février 2024

En préambule, il est important de souligner que l'expression "groupe Manouchian" est issue d'une construction de la mémoire qui trouve son origine dans la diffusion massive de l'Affiche rouge sur les murs des villes de France, au moment de l'exécution, le 21 février 1944 au Mont-Valérien, de 22 résistants. Il s’agit là en fait du noyau dur des combattants des FTP-MOI, arrêtés pour la plupart entre le 12 et le 17 novembre 1943.

Lorsque le Parti communiste clandestin s’engage dans la lutte armée en août 1941, consécutivement à l’invasion de l’URSS par l’Allemagne nazie deux mois auparavant, les résistants communistes se structurent au sein de l’Organisation spéciale, des Bataillons de la jeunesse puis des Francs-tireurs et partisans français (FTPF) à partir d’avril 1942. En leur sein, s’organisent les Francs-tireurs et partisans français – Main d’œuvre immigrée (FTP-MOI) issus en grande partie des militants de la main d’œuvre immigrée créée au début des années 1930. En région parisienne, les FTP-MOI sont organisés en quatre détachements et une équipe spéciale. Chaque détachement regroupe des résistants de même nationalité ou bien parlant la même langue. Ainsi, le 2e détachement dit "détachement juif", commandé par Sevek Kirshenbaum, comprend principalement des juifs polonais parlant le yiddish. Traqués par l’occupant allemand avec l’aide des policiers français des Brigades spéciales, les FTP-MOI de la région parisienne sont victimes d'une première série d'arrestations à l’automne 1942 et démantelés en novembre 1943.

Sur les 22 résistants fusillés le 21 février 1944 au Mont-Valérien – auxquels il convient d’ajouter Olga Bancic, guillotinée à Stuttgart le 10 mai 1944 – deux appartenaient au premier détachement FTP-MOI (Arpen Tavitian dit Armenak Manouchian et Olga Bancic), sept relevaient du 3e détachement (Georges Cloarec, Rino Della Negra, Cesare Luccarini, Roger Rouxel, Antoine Salvadori, Amédéo Usséglio et Robert Witchitz), neuf dépendaient du 4e détachement dit des dérailleurs (Thomas Elek, Maurice Fingercwajg, Jonas Geduldig, Emeric Glasz, Léon Goldberg, Salomon Grzywacz, Willy Schapiro, Wolf Wajsbrot et leur chef Ferenz Wolf dit Joseph Boczov). Celestino Alfonso et Spartaco Fontano, quant à eux, appartenaient à l’équipe spéciale. Il faut y ajouter leur chef militaire, Missak Manouchian, ainsi que Stanislas Kubacki, FTP arrêté en décembre 1942. Les portraits de dix d’entre eux figurent sur l’Affiche rouge. Joseph Epstein, chef des FTP de la région parisienne, supérieur hiérarchique direct de Manouchian, interpellé en même temps que lui, a été jugé à part et exécuté le 4 avril 1944.

Par décret du 31 mars 1947 publié au Journal Officiel des 13 et 26 juillet 1947, la médaille de la Résistance française est décernée à titre posthume à 20 fusillés du 21 février 1944, ainsi qu’à Olga Bancic et à leur chef, Joseph Epstein. Celestino Alfonso et Marcel Rajman sont, quant à eux, décorés à titre posthume de la médaille de la Résistance française avec rosette par le même décret.

Hormis celui de Missak Manouchian, le motif de la proposition d’attribution de la médaille de la Résistance est le même : « Dès la première heure de la Résistance, ils étaient parmi les premiers à constituer les groupes de combat ; ils ont participé aux actions les plus périlleuses ; ils ont subi comme leurs frères d’armes français les poursuites de la Gestapo, les arrestations, les tortures, déportations et exécutions. Nombreuses sont les actions d’éclat dont ils peuvent s’enorgueillir. Le « procès des 24 terroristes » en est la preuve éclatante. Arrêtés en novembre 1943, lors de la fameuse répression, ils ont été impliqués dans ce retentissant procès. Plus de 10 attentats à la grenade, à la mitraillette et à l’explosif ; des dizaines de locaux et d’installations allemandes dévastées ; des centaines d’Allemands tués, parmi lesquels le général von Schaumburg, commandant von Gross-Paris et le docteur Ritter, chef du Service du travail obligatoire pour toute la France. Voici le bilan magnifique de leur activité. Leur calvaire fut long. Dans les casemates, les chambres spéciales de torture, ils gardèrent farouchement leur dignité et leur secret. Fusillés le 25 janvier 1944, après avoir subi les pires tortures, ils ont bien mérité de leur patrie d’adoption – la France. »  

Deux erreurs sont à souligner dans cette citation. Tout d’abord, l’exécution des 22 FTP-MOI a lieu au Mont-Valérien le 21 février 1944 et non le 25 janvier. Quant au commandant du Gross-Paris, Ernst Schaumburg, il n’était pas présent lors la tentative d’attentat le visant en juillet 1943. En revanche, Celestino Alfonso réussit effectivement à atteindre Julius Ritter, le 28 septembre 1943. Ce dernier, ami personnel du Führer, avait rang de général SS et représentait en France le Gauleiter Sauckel ; il était responsable de l'envoi de Français en Allemagne par le Service du travail obligatoire. Quant au 24e « terroriste » mentionné dans la citation, mêlé par erreur à cette affaire, il est transféré devant une juridiction française.

Quant à la citation de Missak Manouchian, elle est ainsi rédigée : « Résistant de la première heure. Magnifique entraîneur d’hommes dont l’action clandestine, les sabotages et les coups de main furent un magnifique bilan de victoires. Arrêté, a subi les pires tortures sans jamais dévoiler son secret. A sacrifié sa vie au service de la France. » L’exposé des faits se termine en ces termes « Par son courage et son sacrifice, il mérite une place d’honneur parmi les héros de la Résistance ». C’est dorénavant chose faîte avec son entrée au Panthéon le 21 février 2024, aux côtés de son épouse Mélinée.

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