Musée de l'ordre de la Libération

Journée internationale des droits des femmes

Publié le Mardi 08 Mars 2022

En ce #8mars, journée internationale des droits des femmes, nous souhaitons mettre à l’honneur Simone Michel-Lévy, Compagnon de la Libération, à travers cette dissertation qui traite de la condition féminine, probablement rédigée à l’âge de 14 ans en 1920.

Retranscription 

Dissertation de Simone Michel-Lévy probablement écrite en 1920 à l’internat de Salin les Bains (Jura) avant l’obtention du brevet élémentaire.

[Sujet : ] Taine écrivait à sa sœur en 1852 : « Le seul examen qu’une femme ait à passer roule sur la toilette, la tenue, la danse, la musique et je vois que vous vous en tirez bien ». Les femmes subissent aujourd’hui bien d’autres examens, le regrettez-vous ?

Développement

Au siècle dernier, encore, les études des femmes étaient encore très restreintes. Elles n’avaient pas d’examen à subir, aussi se souciaient-elles fort peu de leur instruction. Leur principal souci était que le bon goût, l’élégance et la mode, n’eussent rien à leur reprocher sur leur toilette, leur maintien, les arts que le sexe féminin ne doit pas ignorer. C’est ce que Taine écrivait à sa sœur en 1852 : « Le seul examen qu’une femme ait à passer roule sur la toilette, la tenue, la musique, la danse et je vois que vous vous en tirez bien. » Je me représente la sœur de Taine comme une de ces mondaines, essentiellement préoccupée de son extérieur. Ce devait être une élégante, toujours mise au dernier goût, d’une tenue irréprochable, un maintien gracieux, aisé, connaissant la musique à fond, assise une partie du jour devant son piano, dansant avec une grâce exquise, étudiant sans cesse ses gestes, ses attitudes et ne négligeant rien pour réaliser ce qu’on appelle « l’idéal de coquetterie féminine ». Son instruction… oh ! elle avait été au couvent jusqu’à un âge assez raisonnable pour savoir envoyer une lettre. Parlez-lui mathématiques et autres sciences, elle vous répondra tout simplement : « Ceci n’est point l’affaire d’une femme ». La majeure partie des femmes de toutes classes disent encore : « A-t-on besoin de savoir faire un problème compliqué pour vivre de ses rentes ou de connaitre les lois de la solidification pour faire un potage ? »

De nos jours les institutions de jeunes filles sont nombreuses. La classe féminine instruite s’accroit chaque jour. On y enseigne toutes les sciences destinées aux hommes sans pour cela négliger l’éducation. On fait subir aux jeunes filles des examens qui éprouvent leur instruction.

Où est l’impossibilité pour une femme de se conduire seule dans la vie, d’avoir une situation, si elle est instruite ? Que de malheurs elle peut éviter ! Elle n’a pas besoin de recourir à des moyens déshonorants pour vivre. Si elle doit se marier le temps lui est donné pour choisir un digne compagnon de vie. Elle acquiert l’expérience par l’instruction.

Je ne regrette pas que nous soyons tenues à subir des examens. Ce n’est pas pour autre chose que nous nous éloignons de nos chères familles pour passer plusieurs années dans les murs d’un internat. Malgré tous les sacrifices faits pour mon instruction, l’abandon de la douce vie de famille, je suis heureuse de travailler à devenir capable de raisonner, de tenir et de discuter une opinion, d’occuper un rang social honorable.

Si nous travaillons, c’est pour acquérir aussi, en même temps qu’un certain développement intellectuel, une certaine valeur morale qui accroisse notre dignité, pour élever nos idées, pour nous corriger et devenir meilleures ? Certes, une femme ne doit pas négliger son maintien, elle a le droit et même le devoir d’être coquette, mais coquette sans futilité, bien mise sans excentricité, c’est par là que se manifeste la valeur intellectuelle d’une personne.

Travaillons à devenir des femmes instruites et sensées qui puissent faire honneur à notre chère France.

Note du professeur – Devoir assez bien conduit. Des idées justes, la forme pourrait être moins abandonnée. Néanmoins très riche d’idées – 14/20 – 1ère avec Melle Coudod.

Simone Michel [-Lévy]

© Musée de l'Ordre de la Libération / Fonds Malfi

Simone Michel-Lévy dans les années trente
© Musée de l'Ordre de la Libération / Fonds Malfi
Dissertation page 1
© Musée de l'Ordre de la Libération
Dissertation page 2
© Musée de l'Ordre de la Libération
Retour haut de page